Bonjour, dans cette vidéo, je vous partage mon retour sur le départ de ma fille chez son père.
Peut-être aviez-vous lu à l’époque ce texte où je partageais mon ressenti et mes doutes face à cette décision familiale : https://www.liz-perret.com/fille-veut-vivre-chez-pere/
1 an 1/2 après, de nombreuses choses se sont passées. Je vous partage notre expérience, ce que ça a donné dans le concret, et où on en est aujourd’hui.
Je me rends compte aujourd’hui de ce que cela m’a fait de ne pas m’avoir écouté, d’avoir dit « oui » à ma fille, alors que tout dans mon corps disait « non ». Mais moi qui avais toujours voulu la laisser choisir, de quel droit aurais-je pu lui imposer? Etais-je vraiment légitime de lui dire « non » à son envie de plus voir son père.
Je réalise que ce n’est pas à lui, ni à cette situation que mon corps disait « non ». Mon corps disait « non » parce que ma partie instinctive avait peur pour elle. En lui disant « oui », je mettais cette part en sourdine, je lui demandais avec violence de se taire, de ne pas exister. Une part de moi avait l’impression de l’abandonner.
Et à la fois, j’avais peur qu’elle finisse par m’en vouloir plus tard, par me reprocher de ne pas avoir accepté. Je réalise à quel point cette envie d’être aimée de ma fille m’a amené à ne plus y voir clair, à ne plus voir où était ou non le danger. Tout devenait flou, émotionnel, brouillé.
Est-ce que c’était un coté maman « immature » qui parlait ? Une part qui aimerait qu’elle reste mon bébé ? Pourtant je reconnaissais la jeune fille qui se dessine peu à peu en elle, et j’aimais la voir évoluer en toute liberté, en dehors de moi. J’étais même extrêmement fière de ça.
Dans cette situation, je me trouvais face à ma peur de faire le mauvais choix, et face à ma culpabilité de n’avoir pas réussi à lui offrir le père qu’il méritait. Alors j’ai décidé d’accepter, de voir tout cela positivement, de voir ce que je pouvais en apprendre, en retirer. Peut-être en effet avais-je des choses à nettoyer, au vu de remous qu’en moi ça éveillait. J’étais fière de lui offrir cette liberté qu’enfant je n’avais pas eu : celle d’aller vraiment rencontrer mon père, d’aller voir qui il était.
Oui, évidemment, c’est aussi mon histoire familiale qui se rejouait. Ma fille bravait la peur, l’interdit, entrait dans ce monde inconnu dont je n’avais moi-même jamais franchi le pas. J’observais, espérant me tromper, que mes peurs soient rassurées… ou dans le cas contraire, qu’elle comprenne rapidement qu’il ne sert à rien d’espérer. Une sorte de quitte ou double dont je lui ai laissé la responsabilité.
Cela pourrait sembler inconscient, et à la fois je ne vois pas comment j’aurais pu en mettre plus. J’ai même entamé une thérapie afin de mieux discerner ma vérité. Comme toujours, j’avais envie de croire à mes espoirs et mes illusions, et j’avais aussi très peur de me tromper.
Sauf qu’il se passa un scénario que je n’avais jamais envisagé : ma fille acceptant ce qui pour moi me révoltait. Après toutes ces années d’écoute et de bienveillance, comment pouvait-elle s’y résignait. Je ne comprenais pas, et à la fois c’est surtout un fabuleux miroir de moi-même qu’elle me renvoyait ! Celle qu’auprès de lui j’avais été : aujourd’hui c’est elle qui le vénérait, qui à lui se dévouait, qui se mettait de coté et se contentait des miettes qu’il lui accordait.
Face à cela, mon cœur saignait, était ensanglanté… d’autant plus que ma fille voulait y rester. Comment accepter l’inacceptable ? Comment oser aller à l’encontre du souhait de ma fille, sans dénigrer ses choix, sans dénigrer son père ? Comment lui expliquer de façon juste que j’ai peur pour elle et que cette situation n’est pas tolérable ? Elle, de son côté, y a vu 2 modes de vie différents, dans ce qui s’appelle de la négligence parentale, mais elle l’aime et semble prête à tout accepter.
Je vous invite à lire mon texte : « Pervers narcissique, sortir de sa cage », pour vous rendre compte à quel point ça pouvait être dur pour moi ce reflet qu’elle me renvoyait… mais sans doute avais-je encore besoin d’elle pour mieux le voir, le comprendre et récupérer ma clé.
Ce fut difficile, très, chaotique émotionnellement pour moi, cette étape où j’ai dû lui dire « non », aller pour sa sécurité contre sa volonté. J’en ai souffert au plus profond de ma chair. Peut-être parce que cette situation représentait le deuil non fait d’un espoir, l’espoir que son père puisse un jour lui apporter ce dont elle avait rêvé, faisant miroir de l’espoir de la petite fille en moi : peut-être que si j’y avais été moi aussi, je l’aurai rencontré. Mais le vécu nous a montré ces tristes réalités, celles qu’on n’a pas envie de voir, parce qu’elles nous font pleurer.
Bizarrement, cette situation est venu m’alléger à propos de mon histoire familiale aussi, j’ai compris la position de victime qu’avait pris mon père, le choix qu’il avait fait de faire porter sa non-présence et sa non-prise de responsabilité sur ma mère, comme si elle l’en avait empêché. Sans doute était-ce cette émotion de culpabilité portée par la mère, bloquée et refoulée, qui m’avait empêché de dire « non » à ma fille, alors que son envie m’insécurisait. Par fidélité pour mon père, pour ces « pauvres » hommes « fragiles et délaissés » que les « méchantes » femmes ont abandonné. En disant « oui » à ma fille d’un certain côté, je disais « oui » virtuellement à mon père, chacune s’offrant alors de rencontrer sa vérité.
Mon histoire est celle de ma fille sont différentes, tous comme les personnes le sont, mais la résonance est venu accompagner ma maturation, et les deuils que j’avais encore besoin de clôturer.
Aujourd’hui, je réalise à quel point, depuis qu’elle est parti, j’étais restée en apnée ! Je crois que je ne l’avais pas encore conscientisé avant aujourd’hui. Par amour, encore une fois, je me suis oubliée, mise de côté. Je lui avais offert sa liberté, mais moi, je suis restée perdue, paralysée, comme figée, comme l’animal menacé qui ne bouge plus, ou qui court dans tous les sens, n’arrivant plus à se recentrer. J’avais peur, et je restait en apnée.
Aujourd’hui, elle est là. Je ne sais pour combien de temps, mais elle est là. Je sens la paix à nouveau s’installer. Je ressens tout ce que ça change en moi, de sentir les miens en sécurité. C’est tellement étrange que je n’ai pas reconnu et validé en moi ce besoin si essentiel ! Bref, c’est comme ça… et je suis en joie que de voir que cette sécurité retrouvée m’insuffle un nouvel élan de créativité que j’ai la joie de vous partager <3
A vrai dire, de cette situation éprouvante, sidérante, déstructurante, je ressors transformée. Je suis allée rencontrer mes limites, au plus loin que je peux aller. Je suis allée rencontrer ma peur de perdre ce que considère comme le précieux au monde : la relation à mes enfants. J’ai l’impression qu’en laissant tout s’écrouler, parce que je ne pouvais pas lutter, qu’en rencontrant l’endroit où j’étais le plus démunie et impuissante, j’ai rencontré toute ma force, ma capacité à croire et à persévérer, à aller au bout de moi, au bout de ma vérité, à savoir la dire et l’affirmer, peu importe les conséquences qui en seront décidé. Au final, j’y ai gagné ma liberté, celle d’être et de vivre mon intégrité.