Ma fille m’a partagé être gênée, dérangée, par ce que je partageais de notre intimité. Dans mon besoin de dire ma vérité, elle ne se sent pas respectée.
J ai pris le temps de réfléchir, de voir tout ce qu’en moi ça soulevait.
Ce notion d’intimité m’a souvent été étrangère. Je fais partie de celle qui n’arrive pas bien à discerner ce qui se dit, de ce qui ne se dit pas.
Cette interrogation m’a assez tôt amené à garder pour moi, à intérioriser, à ne rien dire, sentant que certains de mes mots étaient reçus comme inappropriés.
J ai grandi dans le mutisme, le secret de mon intériorité, comme quelque chose de caché qu’il ne fallait pas montrer, exposer. Au point que je me disais que si bientôt je mourrais, personne vraiment ne me connaîtrait.
Cela me questionnait, en même temps que vivait déjà en moi cette envie d’écrire et de me dire. Je l’ai souvent fais en privé : partager ce qu’à l’intérieur de moi se vivait. Comme si c’était ça, ma façon d’exister.
Dans les relations amoureuses, j’avais accepté de m’ouvrir, de me déposer. Je voulais être transparente, vraie, mais là aussi je voyais que ce n’était pas toujours bien apprécié.
C’était pourtant le seul endroit où je me l’autorisais. Comme si, ne sachant où le vivre, je sentais un droit, dans cet espace là, à être entendue dans mon authenticité.
Mais face à tout ça, se liait aussi un sentiment de culpabilité, face à toute cette intériorité trop vécue ou trop exprimée. Fallait-il que je me taise ? Puisque je ne pouvais changer.
Je m’attristais de sentir que mes émotions et mon besoin de parler dérangeait. Ça a toujours été compliqué pour moi, de trouver l endroit où m’exprimer.
Puis dans les amitiés, peu à peu j’ai appris à me dévoiler, à me montrer.
À ce moment là, j’ai senti comme un voile qui tombait. Au couple, tout cela n’était plus réservé. Je pouvais enfin me montrer vraie.
A chaque vérité que j’osais dévoiler, c’est comme une part de moi que j’ouvrais, que je libérais. J’avais le droit de dire, de me montrer telle que j’étais. Cela me faisait du bien, cette liberté retrouvée.
Reste souvent en moi cette question de qu’est ce qu’il se dit et qu’est ce qu’il ne se dit pas, suivant l’endroit ou la relation concernée .
Toujours cette peur de perturber par ma vérité partagée. Parce que même si c’est de la mienne dont je parle, se pose la question de celle de l autre, et de comment il va la recevoir, l’accueillir, l’accepter.
Quand je dis ma vérité, l’autre est alors face à sa responsabilité : celle de comment il va la traiter.
Va t’il la nier, l’interroger, la valider, la soutenir, l’exagérer, se l’approprier, l’analyser, la juger, la porter, la sauver, l’ignorer ?
Cela aussi, ça m’a souvent amené à ne pas partager. Parce que dans le retour de l’autre, il m’arrivait souvent que je ne me sente pas accueillie, aimée.
Et si j’avais juste besoin de dire et de partager? Si je n’attendais rien de toi, juste d’être là, de m’aimer telle que je suis, de me sentir aimée. Et si c’était juste ta présence bienveillante et soutenante que je venais chercher ?
La présence ne se ressent pas dans un mot qui serait dit ou pas, mais dans une consistance impalpable qu’on ne peut expliquer, simplement ressentir et vibrer.
Trop souvent, face à l autre, face à cet accueil que je ne trouvais pas, je me suis refermée. Me réduisant à nouveau dans cette tour de silence et d’interdit de dire, ressenti comme du rejet… et qui me pesait.
Quand j’ai commencé à partager qui j’étais, au delà de ce « qu’il fallait » ou non montrer, je me suis sentie libérée. Je n’avais plus rien à réfléchir, juste à être et partager.
Mais dans cette liberté retrouvée, dans ces murs intérieurs que je poussais, j’ai oublié de regarder qui avec moi j’amenais.
Je reconnais ces mots qui libèrent, qui guérissent, leur force et leur capacité à reconnaître ce qui a existé.
Je reconnais leur puissance, comme la nécessité d’apprendre à s’en servir avec conscience et assertivité.
Merci à toi d’être là et de sans arrêt me refléter, ce que je n’ai pas encore su regarder.
Liz Perret